[fr] Flora Souchier - Ricochets contre ciment

Ce joyau nu tombe à travers mon coeur — comme un effondrement
A la dérive soleil couchant
les rails en ligne de mire
les éclats me parsèment
autant de paillettes sur ta peau

15 ans à me manger des murs
à tomber amoureuse comme on tombe du balcon
tabasser les impasses jusqu’à frayer des brèches
Captain fracasse
amoureuse de la frappe
en mal de roche à tout bout de hache
des guirlandes sans ampoules
et ça pète des durites à tout bord de virage
à chaque battement de cloche
ça fait semblant de vivre
 
 Entre moi et mon désir pas de check point rien
d’à peu près censé qui puisse dire
Meuf arrête-toi tu fais n’importe quoi
(et cette vigile aurait l’accent de la Loire)
Arrêt minute
fin de tournage
relève
 — Aucune sorte de
mise au pas
quoi que ce soit d’à peu près
prudent
patient
Mots inconnus
 
Si la glissière est belle je vais dans la glissière
c’est la beauté qui garde l’âme au corps
seule raison de rester
vivre à poil sur l’autoroute
faire des câlins à des blindées
pour la vrille d’en voir quatre baisser leur fenêtre
quatre dans une vie c’est quoi
Amoureuse des causes perdues
pour la passion de quand ça prend corps
la métamorphose
la béance
la rupture d’aiguillage
j’aime changer les fins des histoires
prosélyte du contre-emploi
quant à savoir d’où ça vient
s’inventer missionnaire pour justifier son insolence
ça présente un charme certain
 
Je ne sais pas boire sans m’en mettre à côté
je ne sais pas manger sans miettes
je ne sais pas
aimer calmement
C’est que je joue au jeu
sans accepter les règles
 
Elle m’a donné un mouchoir
et sagement je l’ai caché
je suis seule à la gare
je respire le mouchoir

C’est l’autre rythme de mon corps
qui rosit tous mes crépuscules
ourle violemment les nuages
de toute la mélancolie dont je serai capable

J’ai trouvé dans la rue
tout Tite-Live
et la guerre de César
j’ai stocké ça en haut du sac
— mon seul sac
Ainsi qu’une fausse fourrure
la vendeuse avait du flair
« ça vous donne un air de louve »
j’ai allongé la monnaie
je m’ennuie
je tue les guêpes à la fourchette
peste contre les aoutats
J’arrive pas à pleurer
Orléans est immonde
et non content, interminable  

Je ramasse
je joue je flambe
et je me fais rouler dessus
à pieds joints sur les restes
c’est la vie que je mène
En cinquième et sans frein sur les lacets de la grève
et à flanc de falaise
toujours ça que je fais 

Regarde elle s’en va
milan azuré de grâce
bras sur mon sac en oreiller
zebrés de griffures de ronces d’ours et d’escaliers
j’ai mal à toi
de haut en bas
 
c’est sûr que la gare des Aubrais
c’est vraiment un fléau pour un chagrin d’amour



* Flora Souchier. Formée à l’ENS de Lyon et à la Comédie de Saint-Etienne, elle est comédienne. Son premier recueil, Sortie de route, lauréat du Prix de la Vocation Poétique, est paru chez Cheyne en 2019. Adapté avec les fondatrices de la Compagnie Opoponax, il existe désormais en version sonore, en libre accès sur podcloud.




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