Il y a les écrivaines connues, très connues. Et puis, il y a nous, les écrivaines moins connues mais lues, parfois, par nombre de lectrices et lecteurs.
Ces écrivaines « qui marchent » et dont nous connaissons les noms, parfois les visages ont entendu aussi des absurdités littéraires sur leur écriture, leur sexe, leur physique... leur tout. Je pense à Virginie Despentes. Elle qui n'a jamais mâché son écriture et qui porte la sexualité féminine avec réalisme. Pour elle, les femmes doivent se construire en-dehors de leur identité de genre sans supporter le poids du patriarcat.
Ces écrivaines qui n'ont pas la même visibilité publique subissent pourtant les mêmes remarques ineptes. Je vous l'assure.
Un exemple ?
Deux écrivaines écrivant dans un style fantastique m'expliquent que des lecteurs masculins les interpellent sur le fait qu'il n'y ait aucune scène d'amour et si possible de scènes crues. De cul. De chatte merde. Et évidemment de pénis. Où sont les pénis ?
Ah bon ? Une femme écrivaine écrit forcément des histoires d'amour malgré son style ? Ou intègre forcément du sentiment amoureux ?
Serions toutes des Brigitte Lahaie inconsciente de l'amour ?
Nous pouvons alors partir du postulat que même uniquement visibles par l'écriture et pas le physique, nos corps restent sexualisés et fantasmés. Notre écriture est donc, elle aussi, sexualisée et fantasmée.
Mais pourquoi ?
Voilà une première caricature.
Anne Rice, excelle dans ce milieu du fantastique avec ses personnages de vampires et l'érotisme de son écriture.
Stephenie Meyer grâce à ses Twilight.
Mary Shelley évidemment mais qui fut obligée de publier sous le nom de son époux avant d'être reconnue comme une auteure de talent.
On connaît peu de noms dans ce genre littéraire.
Un autre exemple tout en caricature intentionnelle ?
L'écrivaine qui décide d'écrire de la romance. Nous tombons, telle Alice au pays des merveilles, dans un puits sans fond de clichés aussi absurdes qu'imbéciles. Nous pourrions titrer cette caricature par « Les écrivaines au pays de l'absurdie ».
Ces écrivaines de romance sont souvent perçues comme des femmes qui s’ennuient, coincées chez elle entre un mari très occupé et des gamins très irritants. Scolarisés ou non. Peu importe. Une femme qui a choisi d'écrire afin d'employer son temps libre de façon plus intelligente, entre le balai et les légumes à éplucher.
Intelligente. Voilà bien une qualité qui ne les habille pas selon, là encore, les amoureux de la littérature, la vraie.
Ceci est grandement inexacte. Elles ont parfois créé leur maison d'édition et sont positionnées dans les milieux où les livres se vendent.
Alors que j'écrivais mon premier roman, j'ai senti une insistance importante de la part de la maison d'édition pour que mon histoire contienne des scènes crues à foison voire décrites dans ses détails les plus crus.
Or, il n'était pas question de dénaturer une légende japonaise (celle du fil rouge) ni de dénaturer tout ce qui fait l'amour pour des parties de « corps en l'air ».
Je suis une femme qui a écrit sur l'amour. Ce roman n'est pas une romance. L'amour est multiple et se vit à deux, à trois, entre membres d'une même famille, entre amis... En quoi le sexe a une place prépondérante dans l'amour multiple ?
Je suis une femme que l'on qualifie de jolie et attirante. J'écris de la poésie sans filtre. Oui, sur le sexe aussi mais je sais écrire sur des sujets autres qui touchent notre vie, notre société : la violence, les addictions, la folie, les enfants, la maladie, le bonheur, le lien à l'autre...
J'ai aussi compris, passée la lune de miel entre l'écrivaine et la maison d'édition, que mon physique et mon écriture libre seraient utilisés pour vendre.
Cela m'a bouffé. J'ai lâché l'écriture longtemps. Il faut vendre à tout prix même en se vendant soi-même.
Il m'a fallu, à de nombreuses reprises cadrer ces hommes qui me pensaient accessible et ouverte à n'importe quelle proposition. Je n'étais pas, pour eux, une auteure mais un corps sexué.
La volonté, le courage et la fermeté ont fait leur travail. Il est désormais rare qu'un lecteur se permette d'être déplacé et, dans ce cas, mes lecteurs sont présents et solidaires.
Elles sont solidaires aussi, les écrivaines de notre blog A plumes d'elles. Nous sommes trois femmes. Nous ne cherchons pas à intégrer des auteurs masculins. Chacune a sa place et ce groupe a sa cohésion.
Un autre cliché : les femmes entre elles sont de vraies pestes. Conneries.
L'une écrit de la romance, l'autre du fantastique humaniste. Et moi, j'écris sur plusieurs supports.
Nous grimpons ensemble. Nous tirons l'autre si besoin.
Pourquoi une femme doit-elle absolument jouer de ses charmes pour avoir une place ?
Pourquoi notre sexe définit le talent ou le genre littéraire ?
Dernier exemple.
J'ai écris la préface d'une réédition d'un livre de Alfred de Musset, Gamiani ou deux nuits d'excès. Une préface intéressante à écrire. Ce livre évoque la liberté assumée d'une femme et j'y fais un parallèle avec cette chanteuse magnifique caribéenne, Calypso Rose. Celle-ci, suite à un viol collectif enfant, refuse tout contact physique. La comtesse Gamiani, quant à elle, se lance, à corps perdu, dans une sexualité libre sans tabous.
À l'époque, les intellectuels de la littérature ne pouvaient penser que c'était un homme qui avait écrit ce livre et se persuadait que c'était George Sand. Celle qu'on accusait aussi de l'attitude dépravée d'Alfred de Musset.
Nous sommes donc là pour divertir, distraire et nous ouvrir à toutes propositions.
Réfléchissez à ceci. Achetez-vous principalement des livres en fonction d'un nom d'auteur masculin ou féminin ?
Quels sont vos à-priori sur l'écriture féminine ?
Je relève que, souvent, il y a une différence d'analyse d'une œuvre en fonction du genre de son auteur. « Les femmes auteures et les femmes lectrices sont catégorisées » dixit Joy Sorman auteure féministe de Boys, Boys, Boys, paru en 2005 chez Gallimard.
La sociologue Christine Detrez dans un article du magazine ActuaLitté datant de mars 2011, très justement relèvera que le milieu littéraire est certes misogyne mais que le monde entier l'est finalement. Cet article faisait suite à un débat autour de cette question de la misogynie dans le milieu littéraire, organisé entre des acteurs du livre et animé par le magazine féministe Causette. Il était relevé que le monde de l'édition bien que plutôt féminin, le monde littéraire décerne pourtant plus de prix à des auteurs que des écrivaines.
Le féminisme a une histoire encore récente dans l'histoire de l'humanité. Pour autant, Virginia Woolf avait déjà fait avancer le débat en écrivant Une chambre à soi, texte sur la place des écrivaines dans l'histoire de la littérature. Elle indique qu'une femme doit, à l'époque, avoir un peu de fortune et une chambre à soi pour accéder à l'éducation, et à la production littéraire mais aussi faire face à la critique uniquement basée sur des valeurs masculines. Entre autres car les contraintes dues à la féminité sont bien plus largement décrites dans son ouvrage.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Juillet 2020, des femmes du milieu littéraire décide d'expliquer leur quotidien professionnel dans ce milieu littéraire. Banalisation de textes sur le viol, parité invisible, présence dans les manifestations culturelles moindre...
Dans un article sur la place des femmes en littérature au Québec, le blogueur culturel, Tristan Malavoy-Racine prendra en exemple cet ancien commentaire de Bernard Pivot datant de 1999 et donc déjà précurseur des discussions actuelles sur ce sujet :« Elles ont du culot ! Je trouve que les femmes d'aujourd'hui osent des histoires que les hommes, plus réservés, plus guindés, n'écriraient jamais. Ce sont des histoires de vie quotidienne, souvent crues et cruelles, sans tabous (…). dès leur premier roman, elles ont du culot tandis que les hommes se soucient d'abord d'être des professionnels. »
Quelque soit son choix de vie, la femme dans la littérature et le monde littéraire a existé depuis pratiquement le début de l'histoire de la littérature.
Louise Labbé, poète française de la Renaissance, reconnue au même titre que Pierre de Ronsard, autre grand poète français.
Nous ne pouvons passer à côté de Madame de Lafayette dont le livre La Princesse de Clèves a créé un genre littéraire : le roman d'analyse psychologique.
Madame de Staël, écrivaine, philosophe et révolutionnaire française qui jouera un grand rôle dans l'instauration du romantisme français en littérature.
George Sand, à l'écriture et à la vie libre. Brillante et controversée.
Delphine de Vigan est l'écrivaine la plus lu en France.
Véronique Olmi, une femme qui parle des femmes et a, d'ailleurs créé en 2012, le festival de théâtre Paris des femmes.
Yasmine Reza principalement auteure de pièces de théâtre montrant l'absurde et le ridicule de notre monde contemporain.
Nos bibliothèques respectives se remplissent d'écrivaines féminines discrètes ou engagées publiquement. Leur engagement premier est dans le fait de démontrer que la plume est certes féminine mais le genre n'a pas de genre.
Lisons simplement !
* Laetitia Cavagni est écrivaine publiée (JDH éditions) et poète (recueils collectifs) du monde réel autant qu'imaginaire.
Elle ne mâche ni ses mots ni sa plume dans ses ouvrages personnels, collectifs et ce blog créé avec trois autres auteures engagées.
Retrouvez-la sur : aplumesdelles.wordpress.com
Arythmies JDH éditions
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