Cuando te vas a vivir a otro lado
creo que al principio todo puede ser un poco provisorio.
El número de la seguridad social, por ejemplo, es algo provisorio.
Dicen que algún día te llega el definitivo por correo
y que ahí ya podés inscribirte como auto-entrepreneur.
Dónde vivir: provisorio.
Y no se me ocurren más ejemplos en este momento
pero sé que hay muchas cosas que son así,
tienen claramente ese carácter: provisorio.
Los distintos sentimientos y estados por los que vas pasando
en relación a todo
también son todos provisorios.
Pueden durar desde unas pocas horas hasta varias semanas.
De vez en cuando duran meses.
Años todavía no lo sé.
Quizá todo, en general, sea un poco provisorio.
Tener ganas de hablar perfecto una lengua otra: provisorio.
Tener ganas de integrarte súper bien en una nueva sociedad: provisorio.
Tener ganas de trabajar en algo que realmente sea lo tuyo: provisorio.
(¿Qué es realmente lo tuyo?).
Tener ganas de trabajar en algo que no tenga nada que ver: provisorio.
Tener ganas de trabajar. Punto. Provisorio.
Espero que haber decidido no preocuparme tanto por todo,
decisión tomada hace pocos instantes,
y que hasta ahora, por momentos, sigue funcionando bastante bien,
espero que eso, digo,
que eso sí no sea algo provisorio.
“Ya se verá” también es una buena frase.
Creo que es
por ese tono que tiene
de adivinación y misterio.
Liviano, ligero, que no tiene tanto peso.
¿Cómo estás? ¿Qué estás haciendo? ¿Estás trabajando? ¿Cómo te va con el idioma? ¿Qué tal es la gente allá? ¿Tenés amigos? ¿A dónde salen? ¿Qué hacen? ¿Te sentís bien? ¿Necesitás ayuda? ¿Extrañás?
¡¡¡NO SÉ!!!
El verdadero malestar
en realidad es tener que estar expuesta en cualquier momento a tantos interrogatorios.
Yo no extraño mucho mi país.
Si me hubiera tratado un poco mejor mi país últimamente, quizá lo extrañaría un poco.
Algo que no extraño para nada es el ruido de las motos.
No extraño los ladridos de los perros que nadie calla.
(“Los perros que nadie calla” es una frase muy buena que dijo Juana Molina en una de tantas entrevistas que ahora sí tengo tiempo para ver).
Quizá, de manera intermitente, pienso en un lugar verde que quedó allá
justo un poco antes,
con muchos árboles, calor
y con muchas más características lindas que ahora no las puedo establecer,
porque así son los poemas provisorios.
Yo no sé si todo tiene que tener un cierre, si todo tiene que terminar perfecto.
Si todo tiene que terminar bien.
Si el nomadismo es realmente una cuestión de geografía
o a lo mejor es algo interno,
algo
que lo llevás por dentro siempre,
estés donde estés.
Lyon, 5 de noviembre de 2024
* Meliza Ortiz (Jujuy, Argentina, 1982). Poeta, narradora, dramaturga y actriz. Licenciada en Letras. Docente universitaria y tallerista de escritura creativa. Publicó los libros de poesía Poemas para sacármelos de encima, Quinotos al whisky, Poeta surfera y otros éxitos, Etapa oscura y El camino del kumquat; la plaqueta de poesía Cálculos auxiliares; el libro de teatro Piletín y otras obras; y el libro álbum Si me ves feliz, en coautoría con la artista plástica Virginia Montaldi. Su obra forma parte de diversas antologías y publicaciones nacionales e internacionales.
[fr] Poème provisoire
Quand tu pars vivre ailleurs
je crois qu'au début, tout peut être un peu provisoire.
Le numéro de sécurité sociale, par exemple, est quelque chose de provisoire.
On dit qu'un jour, tu reçois le définitif par la poste
et qu'alors, tu peux t'inscrire comme auto-entrepreneur.
Où vivre : provisoire.
Et je ne trouve pas d’autres exemples pour l'instant
mais je sais qu'il y a plein de choses qui sont ainsi, avec clairement ce caractère : provisoire.
Les différents sentiments et états par lesquels tu passes
par rapport à tout ça
sont eux aussi tous provisoires.
Ils peuvent durer de quelques heures à plusieurs semaines.
Parfois, ils durent des mois.
Des années, ça, je ne sais pas encore.
Peut-être que tout, en général, est un peu provisoire.
Avoir envie de parler parfaitement une langue autre : provisoire.
Avoir envie de s’intégrer complètement dans une nouvelle société : provisoire.
Avoir envie de travailler dans quelque chose qui soit vraiment ton truc : provisoire.
(c'est quoi, ton truc, au juste ?)
Avoir envie de travailler dans quelque chose qui n'a rien à voir : provisoire.
Avoir envie de travailler. Point. Provisoire.
J'espère que le fait d'avoir décidé de ne plus trop m'inquiéter pour tout,
décision prise il y a quelques instants,
et qui, jusqu'à présent, marche plutôt bien par moments,
j’espère que ça, j'espère,
que ça ne sera pas quelque chose de provisoire.
« On verra bien » est une bonne phrase aussi.
Je crois que c'est
à cause du ton qu’elle a,
un ton de divination et de mystère.
Léger, aérien, qui ne pèse pas trop.
Comment tu vas ? Tu fais quoi ? Tu travailles ? Tu t’en sors avec la langue ? Là-bas, les gens, ils sont comment ? Tu as des amis ? Vous sortez où ? Vous faites quoi ? Tu te sens bien ? Tu as besoin d’aide ? Tu es nostalgique ?
J'EN SAIS RIEN !!!
Le vrai malaise,
en réalité, c’est d'être exposée à tout moment à autant d’interrogatoires.
Mon pays ne me manque plus trop.
S'il m'avait un peu mieux traitée dernièrement, mon pays, peut-être qu'il me manquerait un peu.
Quelque chose qui ne me manque pas du tout, c’est le bruit des motos.
Ils en me manquent pas non plus, les aboiements des chiens que personne ne fait taire.
(« Les chiens que personne ne fait taire », c'est une très bonne phrase qu'a dite Juana Molina dans l'une de ses nombreuses interviews que j'ai enfin le temps de regarder.)
Peut-être que, par intermittence, je pense à un endroit vert resté là-bas
juste un peu avant,
avec plein d’arbres, de chaleur
et tant d'autres caractéristiques adorables que je n'arrive pas à établir maintenant,
parce que les poèmes provisoires sont ainsi.
Je ne sais pas si tout doit forcément avoir une fin, si tout doit finir parfaitement.
Si tout doit bien finir.
Si le nomadisme est vraiment une affaire de géographie
ou bien si c’est quelque chose d’intérieur,
quelque chose
que tu portes toujours en toi,
où que tu sois.
Lyon, 5 novembre 2024
* Meliza Ortiz (Jujuy, Argentine, 1982). Poète, narratrice, dramaturge et comédienne. Licenciée en lettres. Professeure à l'université et animatrice d'ateliers d'écriture créative. Elle a publié les recueils de poésie Poemas para sacármelos de encima [Poèmes pour les faire sortir de moi], Quinotos al whisky [Kumquats au whisky], Poeta surfera y otros éxitos [Poète surfeuse et autres succès], Etapa oscura [Période sombre] et El camino del kumquat [La voie du kumquat] ; le recueil de poésie Cálculos auxiliares [Calculs auxiliaires] ; le livre de théâtre Piletín y otras obras [Piletín et autres œuvres]; et le livre-album Si me ves feliz [Si tu me vois heureuse], coécrit avec l'artiste plasticienne Virginia Montaldi. Son travail fait partie de plusieurs anthologies et publications nationales et internationales.
[1] Traduit de l'espagnol par Laetitia Thollot.
* Laetitia Thollot. Autrice franco-mexicaine. En 2019, elle remporte le Prix Gran Angular (Mexique) avec El mundo después et obtient la deuxième place du IVe Prix de Littérature Jeunesse Porrúa pour Xylo, el náufrago. Elle a publié les romans de science-fiction Ozono (2021) avec SM et No soy robot (2023) chez Montena de Penguin Random House. En 2022, son texte de théâtre en français Chair de Poulpe fait partie de la Sélection de Textes Dramatiques Jeunesse de Textes en Paroles ; il sera publiée en 2024. En 2023, elle obtient le VIIe Prix International de Littérature Jeunesse FOEM pour La hidra de una sola cabeza, et en 2024, son roman Octópolis sort chez Planeta (Mexique).
© Meliza Ortiz.
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